Nutrition du footballeur professionnel, une diététicienne dans son staff personnel : le grain de sel qui change le game !

Dans un article précédent nous avons montré l’intérêt pour le footballeur professionnel de s’entourer d’experts de différents domaines. Dans cet article, nous mettons le focus sur le rôle de diététicienne-nutritionniste. L’objectif de cet article est de comprendre quelles sont ses missions au sein d’un staff individuel pour accompagner le joueur à la haute performance.

La diététicienne : le détail qui fait la différence dans la durabilité du footballeur professionnel

Optimiser l'alimentation du quotidien du footballeur professionnel

Lors de la première consultation, la diététicienne va tout d’abord analyser de façon holistique l’environnement du joueur. Elle va aussi déterminer ses problématiques et objectifs. Le but de ce premier bilan est d’établir avec le joueur les bases d’un programme personnalisé. Rien que sur cette 1ère étape, on constate une énorme variabilité entre les footballeurs professionnels. Vous pouvez avoir un joueur qui consomme un petit déjeuner très structuré dans le bon timing au centre d’entraînement. Vous pouvez aussi avoir le fan de Chocapic ou encore le joueur qui déjeune un croissant et un redbull dans sa voiture 30 min avant l’entraînement. 

"les céréales pour petit déjeuner" sont souvent consommées au petit déjeuner par les footballeurs professionnels...

Ensuite, dans l’accompagnement l’idée va être d’avancer étape par étape pour acquérir des habitudes alimentaires plus saines au quotidienEn effet, avant de rentrer dans la phase d’optimisation de la performance, il est indispensable de bien régler la nutrition de baseVous allez nous dire OK, cool, mais ce n’est pas déjà fait dans la plupart des clubs professionnels ?

"La nutrition est parfois gérée par le préparateur physique..."

La réponse est “ça dépend”. Le suivi de la composition corporelle est quasi systématiquement réalisé. La proposition de repas pour bien manger au quotidien et en réponse au besoin du sportif aussi. Cependant c’est souvent identique pour tous les joueurs. Or, les besoins sont INDIVIDUELS. Chaque joueur est différent. Ce qui va “fonctionner” pour l’un ne conviendra peut-être pas à l’autre. Aussi, avec ce process proposé par les clubs, le joueur “subit” ce qu’on lui propose et n’est que peu acteur. L’approche est plutôt centrée “groupe” et préparation à la compétition. En effet, l’accompagnement étape par étape et le suivi que nous proposons est difficile à mettre en place au sein d’un club.

"le niveau d'éducation à la nutrition dans le football est relativement faible même si..."

Nous insistons encore une fois sur le haut niveau d’instabilité du football professionnel. Les staffs changent très régulièrement au sein d’un même club. Les joueurs changent eux-mêmes souvent de club. Aussi, tous les clubs n’ont pas de véritable diététicien-nutritionniste à temps plein. Il n’est parfois présent qu’un jour ou deux dans la semaine voire uniquement sur des moments clés de la saison. Pire encore, la nutrition est parfois gérée par le préparateur physique ou un membre du staff médical. En effet, certains ont eu une petite sensibilisation à la nutrition dans leur parcours… Bref, on a parfois peur quand on voit ce qui est proposé aux joueurs mais passe encore…  On est encore loin du désastre nutritionnel que peuvent recommander des “coaches en nutrition” proposés par certains agents peu regardants sur la qualité… C’est un autre sujet mais on avait envie de le mentionner car très fréquent 😉.

Faire de l'éducation nutritionnelle pour rendre le footballeur professionnel acteur

Tous les footballeurs professionnels n’ont donc pas la même sensibilité et le même niveau d’éducation vis-à-vis de la nutrition. Voici quelques exemples. Certains joueurs investissent dans un chef cuisinier personnel. Cela est une excellente idée pour avoir des repas variés (bien que pas toujours équilibrés pour un profil de footballeur professionnel). D’autres joueurs sont adeptes du cocktail Pasta Box et Soda à chaque dîner. On a aussi les abonnés des fast-foods de mauvaise qualité (plusieurs fois par semaine). Bien évidemment, ils n’ont pas conscience de la nocivité… Comparé à d’autres sports, le niveau d’éducation à la nutrition dans le football est relativement faible même si cela s’améliore petit à petit…

Des repas trop riches en sucres simples, graisses saturés et autres substances inflammatoires sont régulièrement consommés par certains joueurs

"L'une des difficultés dans le processus éducatif est de donner du sens..."

Il y a donc généralement un énorme travail pour poser les bases avant de parler d’optimisation de la nutrition. D’ailleurs pour Arsène Wenger, l’alimentation doit être le soutien à un style de vie sain et équilibré que ce soit au club ou en dehors du club (ref 1). Nous rejoignons aussi parfaitement Arsène sur l’importance de l’éducation à la nutrition. L’une des difficultés dans le processus éducatif est de donner du sens à la nutrition et à la consommation des diverses familles d’aliments. Par exemple, la consommation de fruits et légumes est très souvent largement en dessous des recommandations pour un sportif de haut niveau. Il en est de même pour la consommation de glucides complexes ou d’acides gras de bonne qualité.

"Le footballeur professionnel sera investi durablement dans la mise en place de bonnes habitudes alimentaires pour sa santé et ses performances"

Le footballeur professionnel doit comprendre en quoi tout cela va impacter son bien-être et ses performances. Il a d’ailleurs été montré que les connaissances en nutrition chez le joueur de football sont assez bien corrélées avec ses habitudes alimentaires (ref 2). Le sportif doit intégrer POURQUOI on recommande la consommation de certains aliments, dans une quantité déterminée et à un moment bien précis. Ainsi le joueur sera investi durablement dans la mise en place de bonnes habitudes alimentaires pour sa santé et ses performances (#durabilité). Vous allez nous dire « oui mais c’est déjà fait dans les clubs en centre de formation ou pôle espoirs ». 

"Les sensibilisations au centre de formation sont insuffisantes"

Ok donc recontextualisons ! La plupart des interventions faites en centre de formation sont des sensibilisations. C’est déjà très bien mais pas suffisant pour induire des bonnes habitudes à long terme. De plus quand on parle d’éducation, le message doit être rappelé de nombreuses fois et dans des contextes différents. Par exemple la “correction” fréquente des plateaux devrait être apportée directement au self du centre mais aussi sur les repas hors centre. Ne pensez donc pas qu’avec de simples sensibilisations en centre de formation le joueur va vraiment être capable de mettre du sens à son alimentation. Il ne mettra donc pas en place des bonnes habitudes de manière durable. Dommage… (#methodologie). Aussi, certains joueurs ne sont pas passés par ces structures de haut niveau (ex : joueur recruté sur le tard, joueur formé dans certains pays africains). D’autres joueurs étaient dans des centres de formation où l’aspect nutritionnel n’était pas abordé et souvent complètement subi. 

"C'est trop tard car ce sont des adultes"

Ok, vous allez me dire « oui, mais c’est trop tard car ce sont des adultes ». Voilà une pensée bien limitante ! Effectivement l’éducation nutritionnelle aurait peut-être plus d’effet chez les adolescents que chez des adultes. Cependant, les footballeurs professionnels restent de “jeunes adultes”. Vous savez cet âge où beaucoup suivent des études (de l’éducation aussi) pour apprendre des choses et les mettre en application. Donc pourquoi pas l’éducation à la nutrition ! D’ailleurs l’éducation nutritionnelle a été montrée efficace, y compris chez des adultes sportifs pour améliorer les connaissances, les habitudes alimentaires, optimiser la composition corporelle et… les performances ! C’est prouvé scientifiquement même si toutes les “formules éducatives” ne sont pas efficaces dans 100% des cas (ref 3). En effet, la plupart de ces études ont été réalisées avec des groupes de sportifs avec donc une approche groupe (la fameuse !). Imaginez donc si cette éducation nutritionnelle était spécifiquement conçue et adaptée selon le niveau et l’évolution d’un joueur ! C’est ce que nous proposons !

Nos points forts : pluridisciplinarité, individualisation et communication avec l'environnement

Si les footballeurs professionnels peuvent prendre une bonne partie de leurs repas au sein du club, certains repas sont pris au domicile (notamment le dîner). Comme évoqué plus haut, de plus en plus de footballeurs professionnels font appel à des chefs cuisiniers pour les accompagner dans la réalisation de leurs repas. Pour la diététicienne, il s’agit donc d’élaborer les menus en collaboration avec le cuisinier et le joueur lui-même. Ainsi, ces menus tiendront compte des préférences du joueur (oui le plaisir est central pour pérenniser les habitudes) et de ses besoins. La diététicienne conseille aussi le chef cuisinier sur des modes de préparation. Au-delà de la collaboration avec le chef cuisinier, la diététicienne peut interagir avec les autres personnes qui sont en charge de la conception des repas comme la compagne du joueur, ses parents ou autres membres de la famille. Oui on peut aussi en profiter pour éduquer la famille ! (#santé #bienetre)

Le chef cuisinier : une pièce maîtresse pour permettre au footballeur professionnel d'avoir une bonne alimentation

"Les moments de lâcher prise sont indispensables à la durabilité de la stratégie du footballeur professionnel"

La conception de menus et plats implique aussi la réalisation de listes de courses. La diététicienne travaille en ce sens pour conseiller sur les quantités mais aussi sur les produits de la meilleure qualité possible. On favorisera ainsi les produits locaux et les moins transformés possible. La diététicienne conseille aussi sur les moments de lâcher prise qui sont indispensables à la durabilité de la stratégie. Ils ne doivent cependant pas être synonymes de n’importe quoi. 
Enfin, au sein d’un staff individuel très structuré la diététicienne va communiquer avec le préparateur physique pour ajuster les quantités en fonction de l’entraînement. Elle peut aussi communiquer avec le préparateur mental pour jouer sur les aspects motivationnels. En effet, il ne suffit pas que le joueur ait des bonnes connaissances en nutrition pour que ces connaissances soit à 100% transcrites en comportements alimentaires.

Optimiser la nutrition du footballeur professionnel

Les stratégies d’optimisation de la performance par la nutrition des footballeurs professionnels concernent de nombreux facteurs. Tout d’abord, on peut évoquer l’optimisation de la composition corporelle. A certains moments de leur carrière des joueurs vont avoir besoin de prendre de la masse musculaire pour devenir plus puissants. Pour la période compétitive le joueur va aussi chercher à optimiser sa masse grasse. On peut aussi parler de l’optimisation des adaptations à l’entraînement avec notamment l’intégration de stratégies de récupération. Beaucoup de joueurs sont aussi à la recherche de l’optimisation de la capacité à répéter des efforts intenses. Ils sont souvent surpris que de petits ajustements nutritionnels aient tant d’effets… 

 

Ronaldo est un footballeur professionnel qui a optimisé sa composition corporelle durant sa carrière

""Beaucoup de joueurs n'ont pas conscience de l'énorme perte hydrique qu'ils ont durant un match"

 L’optimisation de l’hydratation et de la nutrition autour du match et durant le match est aussi un point souvent abordé. Par exemple, beaucoup de joueurs n’ont pas conscience : 1- de l’énorme perte hydrique qu’ils ont durant un match ; 2- de toutes les opportunités et moyens qu’ils ont avant et durant un match pour limiter ces pertes et donc la baisse de performance. Même si dans les grands clubs des stratégies sont mises en place, il s’agit encore une fois de faire comprendre au joueur à quoi cela sert. L’autre challenge est de faire perdurer ces stratégies malgré les changements fréquents de club et/ou de staff au sein du club (donc souvent de méthode, même si le fond reste le même).

"Plus de 75% des footballeurs professionnels ont des taux de vitamine D insuffisants en hiver"

Dans l’optimisation de la nutrition du footballeur professionnel, on inclut aussi les régulations nutritionnelles suite à l’analyse de dosages biologiques. Par exemple il est très fréquent que les footballeurs professionnels soient carencés en vitamine D. Avant prise en charge, plus de 75% des footballeurs professionnels ont des faibles taux en hiver. Chez les joueuses, on observe aussi fréquemment une déficit en fer (plus de 50% des joueuses) voire des anémies (plus de 25% des joueuses). On connaît bien les répercussions négatives sur la santé et les performances qu’engendrent des faibles taux rien que de ces deux micro-nutriments. La liste des déficits fait parfois peur chez certains footballeurs professionnels. Et encore on ne vous parle pas du niveau d’inflammation… 😱 Le rôle de la diététicienne est donc de conseiller le joueur afin qu’il puisse mettre en place une alimentation lui permettant de contrecarrer les éventuelles carences. Dans quelques cas, on pourra conseiller des compléments alimentaires. 

Des recommandations nutritionnelles et non nutritionnelles sont faites pour optimiser les taux de vitamine D

Du conseil et de la prévention sur les compléments alimentaires

Les joueurs consultent de plus en plus pour savoir quels compléments alimentaires ils peuvent prendre. C’est encore très perçu comme la “solution miracle” pour améliorer les performances. Aussi, les footballeurs professionnels sont de plus en plus démarchés par des industriels du complément alimentaire. Cela se fait souvent par leur agent, par leur préparateur personnel ou d’autres membres de leur entourage voire parfois directement. Enfin, l’utilisation des compléments alimentaires a significativement augmenté au sein des clubs. Si beaucoup de joueurs “subissent” cette complémentation, d’autres s’y intéressent de plus près et veulent comprendre. 

"Une approche Food First"

Chez Perf In Football nous avons une approche “Food First”, c’est-à-dire que nous privilégions la consommation d’aliments en 1er lieu. La consommation de compléments alimentaires doit venir après une nutrition de base bien réglée et uniquement lorsque cela est nécessaire. En effet, dans certaines conditions les aliments de bases ne suffisent plus (pour question de quantité, de timing ou de praticité).  Nous attirons toujours l’attention des joueurs sur le fait que les compléments alimentaires peuvent contenir des substances dopantes. Cela peut donc conduire à un contrôle anti-dopage positif. Ainsi, nous expliquons les critères indispensables à contrôler dans le choix d’une gamme de compléments alimentaires. Le fait que Ronaldo soit l’égérie d’une marque ne fait pas partie de nos critères. Nous conseillons alors une gamme extrêmement restreinte de compléments. 

Conclusion

Ainsi, les missions de la diététicienne auprès du footballeur professionnel consiste à lui faire prendre conscience de ses besoins,  mais aussi de lui faire comprendre pourquoi et comment mettre en place les conseils donnés. Le rôle auprès du cuisinier est aussi primordial pour respecter les principes de plaisir et d’équilibre alimentaire. Ainsi, dans la logique de notre article précédent, la diététicienne personnelle du joueur a un rôle central dans la prise en charge pluridisciplinaire du joueur.  La diététicienne personnelle amènera de la pérennité dans l’accompagnement du joueur qui évolue dans un contexte très instable.

Dr. Nicolas GRAVISSE - Coordinateur de la Performance

Dr. Florie Maillard

Dr. Florie Maillard - Diététicienne Nutritionniste