Joueurs de football professionnels et accompagnement individuel :
Gros problème ou vraie solution ?

Préparateurs physiques, entraîneurs mentaux, ostéopathes, nutritionnistes et parfois chef cuisinier… les joueurs de football professionnels sont de plus en plus nombreux à s’attacher les services de professionnels externes à leur club. Pourquoi les joueurs ont-ils cette démarche ? Quels sont les bénéfices espérés ? Quels peuvent être les problèmes ? Comment optimiser la balance en faveur du bénéfice ?

Vision Perf In Football de la collaboration entre le staff club et le staff personnel du joueur de football professionnel dans son processus de haute performance

Pourquoi des joueurs de football professionnels s’offrent les services de professionnels externes au club ?

Tout d’abord, certains joueurs, sur certaines périodes de la saison, ont besoin de travailler en complément du club. Cela peut aller de besoins ponctuels à une prise en charge quotidienne. Par exemple, le joueur sait que la charge de travail en club va être relativement faible sur certaines semaines. Lui, éprouve le besoin de travailler davantage et/ou sur des points spécifiques. Les cas de prise en charge de moyennes durées sont des périodes de trêves (notamment estivale). Dans les cas de prises en charge quotidienne, il y a les périodes où le joueur se retrouve carrément sans club. Enfin, évoquons les cas de joueurs évoluant dans des championnats relativement faibles. Les “curseurs charge d’entraînement” sont aussi plus faibles par rapport à que ce qu’ils connaissaient ou par rapport à ce qu’ils ambitionnent. C’est donc légitime que les joueurs de football professionnels travaillent plus pour se mettre ou rester au niveau. 

La plupart des clubs de haut niveau s’attachent les services de personnes ultra-compétentes dans leur domaine. Cependant, elles ont une capacité d’intervention limitée d’un point de vue temporel...

Attention ! Faire appel à un intervenant extérieur ne veut en aucun cas dire que les préparateurs, coaches, soignants… présents dans les clubs ne sont pas suffisamment compétents. Vous imaginez bien que la plupart des clubs de haut niveau s’attachent les services de personnes ultra-compétentes dans leur domaine. Cependant, elles ont une  capacité d’intervention limitée d’un point de vue temporel. Pourtant, les membres des staffs font souvent bien plus que les 35-39h/semaine du commun des travailleurs… Ainsi, l’approche club est souvent très centrée sur le groupe et peu sur l’individu. 

Avec le collectif, on se retrouve finalement davantage dans une logique “d’animation” que dans une logique “de transformation” du joueur

Aussi, de gros efforts sont faits pour individualiser le travail. Deux ou trois préparateurs physiques avec 25-30 joueurs (parfois plus) ne peuvent être ultra précis sur des corrections individuelles. Il en est de même pour des contenus d’entraînement dont les joueurs auraient besoin individuellement. Avec le collectif, on se retrouve finalement davantage dans une logique “d’animation” que dans une logique “de transformation” du joueur. Cela n’a rien de péjoratif. C’est simplement exposer la réalité du contexte d’entraînement. On ne peut pas mettre un coach derrière chaque joueur. Le manque de ressources humaines au sein des clubs est un facteur limitant pour gérer des aspects importants de la performance (1). On pourrait faire le même constat pour les soins. Il est ainsi très difficile de satisfaire l’énorme variabilité inter-individuelle en termes de besoins dans le football professionnel. 

La liste des besoins et des services complémentaires proposés en conséquent peut être longue selon les cas.

Vous allez nous dire, “oui, mais certains grands clubs européens ont une armada de coaches et soignants”. Pourquoi, certains joueurs de football professionnels font-ils quand même appel à leur coach ou ostéopathe personnel ?
Déjà, tous les joueurs ne jouent pas dans des clubs avec 10 kinésithérapeutes ou 5 préparateurs physiques. Faire appel à une personne extérieure permet aussi d’avoir un regard différent, complémentaire de ce que le joueur peut avoir en club. Ces prestataires extérieurs peuvent fournir des contenus d’entraînement variés par rapport à l’approche traditionnelle du club. On peut évoquer par exemple l’entraînement mental individuel, perceptif, technique (de course, de saut, de manipulation de balle…), physique peu ou pas abordé en club. Bref, la liste des besoins et des services complémentaires proposés en conséquent peut être longue selon les cas. 

Avoir conscience de l’énorme instabilité qui règne dans le football de haut-niveau...

ll faut aussi avoir conscience de l’énorme instabilité qui règne dans le football de haut-niveau. Par exemple, Cristiano Ronaldo a connu 4 clubs différents (Sporting Portugal, Manchester United, Real Madrid, Juventus). Belle stabilité pour un joueur de football professionnel ! D’autres joueurs font plus de 10 clubs différents durant leur carrière. Aussi, au sein d’un même club, les staffs changent régulièrement, à chaque inter-saison et parfois même au cours de la saison. Qui dit changement de staff ou de club dit perte d’une partie des informations importantes pour le suivi et l’accompagnement haute performance du joueur de football professionnel.

Avoir son propre staff permet d'avoir de la stabilité, un suivi de long terme...

Avoir son propre “staff” permet d’avoir de la stabilité, un suivi de long terme sur des données physiques, psychologiques, médicales, nutritionnelles… Par exemple, un joueur qui arrive dans un nouveau club n’est connu que par rapport à ce qu’on a vu de lui sur le terrain et en vidéo. Mais le coach sait-il par exemple quels sont les leviers psychologiques de ce joueur ? Probablement pas. Son préparateur mental très certainement, et, pourrait aider le coach pour améliorer l’accompagnement de ce joueur et ainsi les performances de l’équipe. 

Le problème majeur que peut poser un accompagnement individuel est le manque de contrôle de la charge d’entraînement... le manque de dosage de la charge d’entraînement est un facteur de risque de blessure.

Il peut aussi arriver que le joueur soit « écarté du groupe » suite à des problèmes relationnels avec le coach par exemple. S’entraîner avec la réserve induit une baisse du “curseur intensité” et parfois du “curseur volume” de la charge d’entraînement. Cela est vrai sur le plan physique, perceptif ou mental. Dans ce cas, vouloir compléter la charge d’entraînement est plus que légitime. 

Certains aspects de l’accompagnement individuel demandent à rester confidentiel à l’égard du club

Enfin, certains aspects de l’accompagnement individuel demandent à rester confidentiel à l’égard du club. On peut évoquer l’accompagnement mental vis-à-vis de problèmes relationnels ou de manque de confiance. Evoquons aussi la prise en charge de troubles psychologiques fréquents dans le football de haut niveau, mais pourtant tabou tel que la dépression. On imagine bien qu’un joueur préfère traiter ce problème en externe. En effet,  il peut avoir peur d’être mal considéré au sein du club et d’avoir des répercussions négatives sur sa saison puis sa carrière. La parole sera plus libérée avec une personne externe au club. En ce sens également, pour l’analyse individuelle de ses matchs et notamment sur les points négatifs le joueur peut préférer un service externe.

S’entourer de personnes pour être accompagné à la haute performance est un investissement. Comme tout investissement, il peut être très rentable ou au contraire mener à la faillite.

Pour synthétiser, un accompagnement individuel du joueur professionnel vise à améliorer le suivi à long terme et à le renforcer ou dans certains contextes à le maintenir d’un point de vue individuel de manière complémentaire au club

Quels problèmes l'accompagnement individuel des joueurs de football professionnels peut-il induire ?

Le problème majeur que peut poser un accompagnement individuel est le manque de contrôle de la charge d’entraînement. Les questions sont simples : le préparateur individuel du joueur a-t-il une parfaite connaissance de la charge réalisée en club ? Les préparateurs du club ont-ils connaissance de ce que propose le préparateur individuel ? Les réponses sont : souvent NON. Il n’est pourtant plus à démontrer que le manque de dosage de la charge d’entraînement est un facteur de risque de blessure (2).
En ce sens également, on peut évoquer le manque de coordination des contenus d’entraînement. Comme dit plus haut l’intérêt d’avoir un intervenant extérieur est d’amener de la diversité. Si c’est pour faire ce qui est déjà suffisamment fait en club, pas d’intérêt ! Cela peut même être dangereux (exemple : remettre du travail neuromusculaire chez un joueur qui a déjà eu « sa dose » en club).   

Ce sont des gens qui ne sont pas ou peu formés et expérimentés à la haute performance...

Le 3ème problème est le niveau d’expertise des personnes accompagnant individuellement le joueur. On voit fleurir des préparateurs mentaux formés en 30h, des préparateurs physiques sans formation et sans diplôme, des pseudo-coaches nutrition… Ce sont des gens qui ne sont pas ou peu formés et expérimentés à la haute performance. Il y en aura toujours dans l’entourage des joueurs professionnels. Le milieu du foot marche énormément par relations. Les joueurs et/ou agents n’ont pas nécessairement les filtres pour juger de la compétence des intervenants. Cela pose deux gros problèmes.  1- Ces personnes ont une capacité d’analyse limitée du contexte de haute performance, des problématiques et donc des besoins du joueur. 2- Ces personnes ne sont pas au niveau pour communiquer avec le staff club du joueur, qui eux sont vraiment formés et intégrés dans un contexte de haute performance.

Avoir un discours discordant par rapport à celui du staff du club...

Le 4ème problème que l’on peut évoquer est le fait d’avoir un discours discordant par rapport à celui du staff du club.  Cela peut être vrai sur des aspects tactiques, physiques ou médicaux.  On peut prendre l’exemple de retours vidéo faits au joueur où l’on va critiquer sa performance sans connaître le plan de jeu et les consignes du coach. Finalement on risque d’émettre des recommandations qui vont à l’encontre de ce que demande le coach. On peut faire le même constat sur les choix relatifs aux besoins de préparation physique ou de soins. Imaginez, le flou que cela peut mettre dans l’esprit du joueur et induire en termes d’implication dans le processus d’entraînement en club. 

“Le joueur travaille avec un coach perso, cela veut dire qu’il n’est pas bien entraîné en club”

Enfin, l’exposition médiatique du joueur sur l’accompagnement individuel peut parfois être gênante et créer un emballement médiatique inutile. En effet, beaucoup de coaches s’affichent avec les joueurs qu’ils accompagnent car c’est valorisant pour leur business. Aussi, les journalistes apprécient les sujets liés à ce type de collaboration. Cependant, cela peut parfois être détourné et mal interprété par divers médias en faisant des raccourcis du genre : “Le joueur travaille avec un coach perso, cela veut dire qu’il n’est pas bien entraîné en club”. Bref, de quoi mettre mal à l’aise à la fois le club et le joueur. 

Quelles solutions pour rendre cet accompagnement bénéfique à la fois pour les joueurs de football professionnels et leur club ?

Pour améliorer à la fois la compréhension du contexte du joueur, optimiser l’évaluation de ses besoins et optimiser sa prise en charge (globale = club + individuelle) il nous semble indispensable qu’il y ait un haut niveau de communication entre le staff individuel du joueur et le staff du club. Se transmettre les données de charge d’entraînement (GPS, cardio…) de manière bi-latérale, permettre aux joueurs de renseigner les applications de suivi en dehors des séances clubs paraît indispensable pour bien quantifier ce qui est fait de part et d’autre. Il en est de même sur l’échange des contenus d’entraînement. Cette transmission des données et des contenus de prise en charge doit bien évidemment se faire dans les limites de la confidentialité.

Les KPI dans le choix des personnes doivent être clairement définis

En lien avec cette nécessité de communiquer avec le club, le staff individuel doit être au niveau de compétence de celui du club. Le joueur (ou ses agents) devrait ainsi choisir des personnes vraiment expertes dans leur domaine. Ces personnes doivent être capables de comprendre la complexité du processus de haute performance pour bien coordonner les contenus. Les indicateurs clés de performance (KPI) dans le choix des personnes doivent donc être clairement définis. Les critères “ce gars fait partie de mon entourage”, “j’ai un pote qui bosse avec lui” ou “cette personne a X abonnés sur les réseaux” ne sont pas des KPI satisfaisants car pas forcément gage de qualité. Les questions que devraient se poser le joueur et ses agents sont : Quels sont mes besoins en termes d’accompagnement à la haute performance et quels savoir, savoir-faire et savoir-être les personnes qui m’accompagneront doivent-elles posséder par conséquent ? 

Privilégier la confidentialité à la surexposition

Enfin, concernant l’exposition médiatique d’une collaboration avec un staff individuel, il convient d’être vraiment modéré. Il vaut mieux privilégier la confidentialité à la surexposition (voir sur-utilisation de l’image du joueur). Il nous semble aussi nécessaire de doser cette communication en fonction de la période. Nous conseillons une confidentialité totale vis-à-vis des médias durant la saison, lorsque le joueur est en club. Cependant, lors des périodes de trêve où le joueur n’est pas en club, cela peut être très valorisant de montrer que le joueur sait bien s’entourer pour optimiser sa préparation. 

Conclusion

S’entourer de personnes pour être accompagné à la haute performance est un investissement. Comme tout investissement, il peut être bon, très rentable ou au contraire catastrophique et mener à la faillite. En ce sens, le choix des personnes qui entourent le joueur est très important. La manière dont cet accompagnement est géré en relation avec les différents clubs dans lequel va passer le joueur est aussi primordiale.
Des efforts doivent être ainsi faits par l’ensemble des acteurs travaillant à la haute performance du joueur. Cela passe par davantage de communication entre le staff club et le staff personnel.
Enfin, améliorer le joueur d’un point de vue individuel doit avoir pour but d’améliorer ses performances dans le collectif. Cela sera valorisant pour le joueur et pour le club. Ce sont bien les performances réalisées avec le club qui le mettront en valeur et pas uniquement de bonnes statistiques individuelles. 

Nico, Coordinateur de la Performance
Thibaut, Entraîneur Mental
Quentin, Ostéopathe
Andréa, Prépa. Physique
Alex, Prépa. Physique
Tim, Analyste Vidéo
Dr. Florie Maillard
Florie, Diététicienne

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